[Papier Végétal] Quand la couture s’apprête de fibres végétales

Couture du Papier Végétal

Les amateurs de DIY apprécient déjà la malléabilité du papier. Il est connu de tout le monde que le papier se découpe et s’assemble facilement avec des techniques traditionnelles (collage, agrafage, pliage…).

Mais ce qu’on a tendance à oublier, c’est que cette matière est aussi compatible avec les travaux d’aiguilles, qu’ils soient à la main ou à la machine. Pour de l’assemblage et de la décoration. Evidemment on n’en fera pas un vêtement complet (encore que la haute couture pourrait nous surprendre !) mais pour des projets DIY différenciant, je dis oui.

Alors quand Lola Greenwich, artiste plasticienne, m’a parlé de son stage d’initiation à la fabrication du papier végétal, j’ai tout de suite pensé au potentiel de ce matériau naturel pour coudre des accessoires qui sortent du lot.

J’ai participé avec beaucoup d’excitation à cette initiation de 3 jours cet automne, accompagnée de ma fille.

Découverte. Rencontre. Partage d’expérience. Regard croisé.

Découvrez dans cet article le papier végétal et comment bien passer cette matière insolite sous la machine.

Qu’est-ce que le papier végétal ?

Le papier végétal est une matière fabriquée à partir de la pâte de fibres végétales, étalée et séchée en couche mince pour former une feuille.

C’est un procédé simple, fait à la main, qui demande de la patience et de la curiosité pour explorer et sélectionner dans un premier temps les plantes, avant de les cuire pour en extraire la pulpe. Celle-ci est ensuite travaillée manuellement au moyen d’un tamis pour fabriquer une feuille de papier.

Quelles sont les principales étapes de sa création ?

Cueillette, rinçage, cuisson, recyclage de l’eau, broyage, fabrication des feuilles avec un tamis, séchage.

Autant d’étapes que nous avons découverts avec ma fille durant l’atelier qui s’est tenu dans le salon de Lola. Un stage à la maison, convivial et très enrichissant, où Lola partage sans compter sa passion.

Pourquoi cette matière est intéressante pour les projets créatifs ?

Signer ses projets avec de l’authenticité

La diversité de la nature, le procédé artisanal, l’irrégularité de surface assumée sont des vrais atouts quand on veut faire une couture DIY qui sort du lot.

« Le papier végétal possède de multiples facettes, aussi bien dans sa composition, sa méthode de fabrication, que dans son utilisation. Chaque plante a son propre langage graphique et le résultat obtenu sera toujours différent. », précise Lola.

De quoi rendre chaque projet complètement unique.

 

 

Apporter une touche naturelle et texturée

Chaque fibre a des propriétés particulières. Lola aime sélectionner les fibres et les adaptent à chaque projets afin de faire ressortir « la délicatesse et préciosité de chaque sorte».

Elle apprécie particulièrement le côté naturel et « brut » du papier végétal, sans ajout de teinture.

 

 

Jouer avec les textures colorées  

Certains artistes apprécient de leur côté la possibilité de teinter la fibre pour  jouer sur des contrastes tout en gardant la texture.

Pour cela après la cuisson et le rinçage de la pulpe, il faut procéder à une étape de blanchiment puis  faire tremper les fibres dans la teinture avant le rinçage ultime.

On peut utiliser des teintures pour tissu en poudre comme la marque Dylon. Il existe des teintures naturelles, mais elles sont moins vives et ont tendance à passer avec le temps et la lumière.

Quels types de projets peut-on réaliser ?

 

 

« J’aime particulièrement travailler le papier végétal  pour en faire des œuvres murales, en deux dimensions, ou des sculptures, comme mes bustes correspondant aux quatre saisons.

Côté technique, je brode à la main ou à la machine, je rajoute des perles, des feuilles d’or, des éléments textiles tissés, et d’autres issus de la nature, sans qu’ils soient transformés : des graines, des coquillages, des bouts de branche… » nous confie Lola.

De la carterie avec de l’inclusion de perles à la main

 

Lola sublime ainsi ses créations souvent en y ajoutant de la broderie et de la mercerie.

A l’image de ce projet artistique d’entreprise, confié par le papetier Ahlstrom-Munksjö qui souhaitait offrir à ses clients une carte de vœux, en associant ses papiers techniques avec des papiers végétaux.

Objectif ? Valoriser le potentiel de la fibre et les innovations réalisées à partir de celle-ci dans l’industrie des abrasifs.

Lola a alors transformé la fibre de lin en papier végétal, l’a associé aux papiers de l’industriel pour broder l’ensemble de grains précieux, rappelant ceux des papiers à poncer.

De la petite maroquinerie avec des incrustations précieuses

 

Le papier végétal peut s’utiliser par  petites touches, telle une incrustation précieuse, qui valorisera le projet et apportera de la texture, voire stimulera l’odorat.

C’est ce que j’ai voulu réaliser lors de la confection du protège carnet, utilisable comme herbier ou pour archiver les échantillons de papiers végétaux.

Si vous aimez ce projet et que vous souhaitez réaliser le vôtre, allez faire un tour au labo, vous y retrouverez le pas à pas.

Des projets artistiques tout en volume

 

Lola aime travailler le papier de lin en volume.

Pour cela elle découpe les feuilles formées en petits morceaux et les assemblent sur une forme avec de la colle à papier peint pour rigidifier le projet.

La fibre perd son aspect nacré mais conserve la forme du moulage.

Elle magnifie ensuite son projet avec différentes techniques de broderie et couture, à l’image des bustes 4 saisons [4 Costumes pour une Dryade] présentés ci-contre.

Quelles plantes et fibres choisir ?

Les plantes aux fibres longues pour des projets à formes et les volumes

Le lin et le chanvre donne un support chevelu ultra souple et solide.  Ils ont une telle résistance qu’il est nécessaire d’utiliser des ciseaux pour la découpe.

La feuille ressemble à un « tissu » ajouré et permet de réaliser des projets plats comme des projets galbés.

Il est possible d’avoir une feuille plus dense en coupant et mixant les fibres pour les rendre plus petites. L’aspect de la feuille sera plus homogène, mais elle perdra aussi en solidité.

 

Les fibres courtes  pour une feuille fermée

La jonquille, le roseau et l’iris et leurs fibres courtes sont idéales pour créer des feuilles très fermées.  Ces papiers sont intéressants pour le DIY, mais sont plus cassants et se déchirent aussi plus facilement.

Ces plantes conviennent donc mieux pour des projets DIY plats comme des carnets.

7 astuces pour coudre du papier végétal

  1. Utilisez une aiguille fine car le papier est souvent fragile.
  2. Allonger le point au maximum pour éviter de casser le papier en faisant trop de trous.
  3. Abaisser la tension pour ne pas couper/déchirer le papier.
  4. Utiliser des pinces Kams pour assembler (ne pas épingler).
  5. Pour faciliter la couture des feuilles de lin et de chanvre, mettez de la tarlatane  (étoffe de coton très apprêtée disponible dans plusieurs coloris qui rigidifie la feuille sous le passage à la machine).
  6. Pour moins de fragilité à l’usage, contrecoller le papier sur un support (un tissage souple préencollé, du papier lavable collé avec un double face).
  7. Ajouter un vernis mat sur le dessus pour « coller » et protéger la surface. (A tester aussi : Odicoat pour imperméabiliser la feuille.)

Aller plus loin...

Et si les créateurs changeaient la mode ?

De manière général, le papier végétal, sans traitement et chimie complémentaire, n’offre pas de résistance à l’eau et reste fragile pour un usage au quotidien intense.

Mais tout laisse à penser, qu’un savant mélange de process et de chimie permettra de propulser la spécificité artisanale du papier végétal vers des matériaux innovants et hybrides, intéressants pour la maroquinerie et la confection de demain

Marques et créateurs s’intéressent aux matériaux innovants

Certaines grandes marques de sneekers intègrent déjà aujourd’hui des nouveaux matériaux qui exploitent les végétaux par système de pressage.

La créatrice Amélie Pichard a lancé un label appelé O.V.N.I. (Objets Valorisés Naturels ou Innovants) : son premier sac réalisé à partir d’une feuille issue de la plante brésilienne colocasia a été traitée avec des huiles biologiques pour protéger sa surface et la matière a ensuite été vernie et doublée de lin non teinté mélangé à du polyester afin d’apporter une résistance et une durabilité aussi proche que possible que celles du cuir [Le Figaro].

Cette nouvelle matière vient compléter l’offre vegan déjà existante, et n’est pas sans rappeler les propriétés du papier lavable, dont j’ai déjà fait l’article sur le blog.

Sans tendre vers une industrialisation de masse, le papier végétal pourrait bien sortir de ses petits formats et profiter des évolutions technologiques et adapter sa chimie pour révolutionner la mode des accessoires.

La feuille beLeaf © Amélie Pichard
La feuille beLeaf © Amélie Pichard
Le Baby Abag en feuille beLeaf, Amélie Pichard, 595 euros © Amélie Pichard [Vogue]
Le Baby Abag en feuille beLeaf, Amélie Pichard, 595 euros © Amélie Pichard [Vogue]

Voir les projets du Labo avec du Papier Végétal

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